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Indwe - Afrique du Sud
24 août 2012

Transfert au Cap Alors que j’avais repris force

Transfert au Cap

Alors que j’avais repris force et que je tenais assez bien sur mes jambes, la supérieure provinciale m’a transférée au Cap afin d’y animer la « catéchèse » dans la région de cette péninsule. Pourquoi ces transferts répétés, frustrants, fatigants ? C’était chaque fois un déchirement car des relations aussi bien humaines que fonctionnelles nous liaient à la population et aux consœurs.

Il y avait eu la demande d’un prêtre qui, lui, avait été nommé responsable du « renouveau catéchétique » pour l’archidiocèse du Cap. On a pensé que je correspondrais aux attentes des autorités religieuses. J’en doutais… De plus, je n’aimais pas ces transferts mais je n’avais pas le choix.

A Cape Town une voiture d’office fut mise à ma disposition et force me fut de reprendre à contre-cœur le volant ! Je sentais en moi une crispation en roulant !

J’avais peur et je ne l’ai pas dit. De plus, la circulation en zone urbaine n’est pas celle de la zone rurale ! C’était un sine qua non pour cet apostolat. Je n’ai rien dit, essayant de gérer ma peur et ça a marché. Je crois, qu’à cette époque, ce qu’on nomme la courtoisie de la route sud-africaine (the road courtesy), rendait la circulation routière moins dangereuse. Et puis, à quoi ça sert d’écouter sa peur ?

Nous étions dans les années septante. Je me suis activement impliquée dans cette mouvance. C’était l’effervescence d’avant juin 1976. C’était une belle et noble lutte, douloureuse, cruelle, joyeuse, pour la libération à travers une multiplicité d’actions interraciales activement non-violentes. Nous n’avons jamais voulu la violence bien que les structures légales, politiques et surtout économiques fussent une source de violence qui opprimait, décimait les plus vulnérables et les plus pauvres ! Et poussait les plus jeunes vers une lutte armée.

Des amis africains et européens ont perdu leur vie dans cette lutte. Je peux les nommer et je dis : Hamba kahle ! Portez-vous bien ! A chacun !

Les Eglises, y compris les juifs, les musulmans, les athées et toutes les personnes intéressées, pouvaient participer à un projet commun, c’est-à-dire travailler à une prise de conscience sociale et politique, soutenue par une motivation religieuse ou purement humaine afin de construire ensemble un pays neuf selon la Charte de la Liberté de 1955. Déraciner l’apartheid, lutter pour conquérir la liberté en étant conscient, collectivement, que la liberté avait un prix et un but : celui d’une société égalitaire et socialiste. Au-dedans des frontières du pays, nous avions une vision plus radicale des structures d’une idéologie socialiste appliquée, que nos technocrates de l’ANC (African National Congress) en formation en Europe ou aux Etats Unis qui allaient être les premiers à gouverner après les élections de 1994 ! Nous avons « sublimé », sans le savoir, cette lutte. Je m’en rends compte aujourd’hui. Un groupe ou une société égalitaire n’existe tout simplement pas, même dans les Eglises et chez les Sœurs ! Un brin de sagesse ou de faiblesse. Le Zimbabwe en est l’exemple le plus douloureux ! Mais Jésus n’est-il pas l’utopiste modèle de tous les temps ? Et le mystère pascale, c’est quoi ? c’est qui ?

Les activistes exilés ou en formation aux USA, en Hollande, en Allemagne, en Angleterre avaient pris goût à une idéologie socialiste bourgeoise qu’on peine à distinguer du néo colonialisme actuel. De retour en Afrique du Sud, ils nous ont fait plus de tort que de bien. Bon nombre d’entre eux sont au pouvoir aujourd’hui aussi distancés du petit peuple, et même plus, que ne l’était le gouvernement raciste de l’Apartheid. Cela reste incompréhensible…il faut chercher à comprendre. Je dois me remettre en question moi-même. C’est la raison qui m’a poussée à demander la permission de retourner en Afrique du Sud en 1999 durant 4 mois. Il y a un fossé immense entre ce que racontent les médias et ce que vivent réellement les gens ! Mais un livre n’y suffirait de loin pas !

Mais revenons au Cap

Il y avait eu le décès de papa en 1973 et quasi 2 années à Lumen Vitae à Bruxelles où j’ai pu mettre sur papier une espèce de théorie d’une catéchèse de la Libération avec l’aide de Ignace Berten et de François Houtard. J’ai réalisé que les systèmes d’apartheid empoisonnent la planète et que notre lutte est la même, dans des contextes différents, celle des gens de tous les jours, qu’ils se trouvent au Chili avec Pinochet, aux Philippines avec Baby Doc, au Zaïre avec Mobutu… au Zimbabwe avec Mugabe..

De retour au Cap je traînais la jambe, je me sentais comme une charrette en train de perdre une roue ! De plus l’évêque S.N. un indien, qui avait lu mon étude, m’interdit de la diffuser, ni de m’en servir ! C’était pourtant lui qui avait payé mon séjour à Lumen Vitae. Il a eu la noblesse de me dire qu’il avait fait une erreur de jugement lors d’un passage qu’il fit en Suisse. Il est mort.

Lors d’un contrôle à l’hôpital Tygerberg, au Cap, le Dr A. Roux et le prof, Joubert ont dit : « Mais c’est une urgence. » Je n’étais pas à même de les contredire et c’est ainsi que la Thompson allait être remplacée par la Charnley.

La Charnley

L’opération fut programmée… et je me réveille avec des visages tout souriants planant vers moi qui ne ressens aucune douleur. Je dis : « Que se passe-t-il?» La réponse est que l’opération a été interrompue juste après que l’anesthésie ait agis car le cœur s’était arrêté de battre… quelques dizaines de secondes, je ne sais… Il fallait chercher et trouver ce qui avait occasionné cet arrêt cardiaque. Les médecins m’ont dit qu’on allait m’endormir avec l’ancienne méthode, juste du chloroforme qu’on te fait respirer et tu plonges dans le vide. Mais je devais donner mon consentement et prendre le risque. J’en ai parlé avec une consœur, elle m’a dit : « Ce serait stupide de ne pas prendre le risque ». Tygerberg Hospital étant une institution universitaire cela devenait un cas intéressant pour les étudiants en médecine. Bref, l’opération fut réussie. 

Nous étions 4 ou 6 femmes dans cette salle où je suis restée environ 6 semaines. J’ai enfin pu convalescer chez mes consœurs métisses à Parow Valley, banlieue de Cape Town, des consœurs que je connaissais à peine à l’époque, des femmes superbes issues d’un alliage de plusieurs races ! Quelle richesse et quelle humanité. En ce temps-là et même actuellement, l’apartheid nous a obligés de vivre séparément, vivre  à part, dans des zones dites blanches, noires et coloured. Parow Valley était proche de l’hôpital et de l’aéroport ce qui permettait au Dr A. Roux de faire un saut jusque chez nous en rentrant du travail juste pour s’assurer que tout allait bien. Le séjour chez mes consœurs métisses m’a révélé un monde nouveau que ne je peux raconter en quelques lignes !

La Charnley a duré jusqu’en 1997 la dernière prothèse la prothèse porte le joli nom de Lemania.  Elle tient encore le coup. Elle fut insérée à l’hôpital orthopédique, à Lausanne par le Dr J.F.F. qui aime l’Afrique du Sud et c’est grâce à sa suggestion que je viens d’écrire tout ce qui précède !

J’étais donc rentrée en Suisse, étrangère dans mon pays natal. C’était en 1980 je crois, et la lutte anti apartheid commençait à interpeller certains milieux en Suisse. La procure des Missions m’a invitée, depuis plusieurs années, à faire de l’information, à donner des témoignages comme on dit. Mais je ne pouvais parler de l’apartheid en Afrique du Sud sans m’attaquer aux systèmes, surtout financiers et bancaires. Les cercles religieux étaient choqués de mon langage teinté de vocabulaire marxiste et les quelques cercles anti apartheid se méfiaient quelque peu d’une sœur catholique qui disait les choses… sans aucun souci de toucher les cœurs pour délier les bourses, mais qui prenait part  aux boycotts, aux descentes dans les rues, aux interpellations  des systèmes financiers! Nous dénoncions, en les nommant les autorités qui flirtaient avec les architectes et les agents de l’apartheid ! Je n’y pouvais rien.

Je me disais parfois que la mort serait facile, on meurt tant de fois en court de route quand on lutte pour un monde meilleur ! Et, négligeant les liturgies fastueuses et fastidieuses d’un Dieu tout puissant, je restais avec Jésus, et quelques groupes, surtout en Suisse alémanique, en marge des Institutions, tout en respectant le centre qui ne nous appréciait pas trop… 

Dix ans durant, j’ai pu travailler aux côtés des demandeurs d’asile au Jura (SOS-ASILE-JURA) à Delémont. Là les structures d’apartheid crevaient les yeux ! C’est une histoire qui continue… il faudra que des gens de bonne volonté la raconte.

Puis on m’a permis de venir à Lausanne pour terminer, avec l’aide de Pierre Kolb, le témoignage « Histoire inavouée de l’apartheid » paru chez l’Harmattan en 1995.

Et puis -  et j’en reviens au début comme promis - cela s’est passé assez simplement. Je traînais la jambe et j’avais mal et la supérieure me dit un jour d’aller voir un médecin. Je l’ai mentionné en début de ce texte. Alors, avec cet ange gardien qu’est Véréna, je suis allée à la Permanence Médicale Universitaire, (PMU) à la Rue César Roux. Ce lieu m’a plu. Il était des plus simple, vétuste, humain quoi ! On y arrive et on s’assied avec celles et ceux qui attendent leur tour de voir un médecin. Les patients étaient presque tous des étrangers, les médecins étaient de jeunes stagiaires qui faisaient leur travail sous la surveillance de professionnels. Mon tour vint : c’était un homme grand, un peu barbu, un regard amical et nous voici dans le minuscule bureau pour la consultation. Ayant vu la radiographie de la hanche, il a téléphoné au CHUV, au département de traumatologie et orthopédie et là, je suis tombée sur le Dr J.F.F. Mine de rien il m’a demandé où avait été faite la dernière opération et quand j’ai dit que c’était en Afrique du Sud, son visage s’est éclairé : il avait travaillé en orthopédie à Johannesburg et « ça avait été l’année la plus heureuse de sa vie », assez pour une entrée gratuite dans ma confiance ! C’est comme ça. Mais je l’ai déjà dit. La Lemania a remplacé la Charnley ! Et c’est reparti.

Je suis restée 18 jours à hôpital orthopédique, après quoi une ambulance m’a amenée à Menzingen où la meilleure rééducation que j’ai jamais eue de ma vie m’a remise en marche !

Le temps est un phénomène étrange, précieux qui nous porte et nous emporte… il y a des moments de terreurs, d’enfer et de mort et il y a des moments de bonheur, de paradis et de vie…

Une consœur m’avait dit, dans les années cinquante, alors qu’on travaillait dans une Mission à sept kilomètres au nord de Pretoria : « Petite bougie, brûle jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à brûler » (Burn on till you burn out )  J’étais impatiente de ne pas perdre de temps et je me souviens de J.F.F. qui dit en passant comme se parlant à lui-même : « Il est urgent de prendre son temps ! »

En quittant l’hôpital orthopédique, il m’a remis une ordonnance, c’était simplement écrit et signé : 

« Burn on till you burn out ! » 

Sur les cendres d’une apartheid révolue, sur les cendres de nos échecs et de nos victoires, un Peuple reconstruit lentement sa dignité, ce peuple devient très lentement une Nation arc-en-ciel parce que tel est son destin : une variété d’ethnies, de nationalités, de races, de religions et de croyances. Les Sud africains avancent main dans la main sur le long chemin de la vraie liberté avec notre guide… c’est un microcosme de notre planète…

 Madiba

 Madiba

« La nature, c'est le reflet de ce que nous sommes. C'est un miroir. C'est le meilleur miroir que nous pouvons avoir parce qu'on y retrouve toutes les émotions que nous pouvons ressentir. Lorsque tu vas dans la forêt, tu croises à la fois un vieil arbre en train de mourir et une jeune pousse en train de croître.

« La sève qui coule dans la fleur, c'est le sang qui coule dans l'être humain. C'est un courant de vie. Je pense que le courant de vie dans les plantes est le même que celui qui existe en nous. » Louise Tanguay

 « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean 12 :24)

PHOTO MANQUANTE

 En attendant, l’engagement, bien que limité, continue avec les étrangers de tous pays, à Delémont, à Yverdon-les-Bains, à Pépinet 2, Lausanne…

PHOTO MANQUANTE

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