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Indwe - Afrique du Sud
24 août 2012

Mais revenons à l'accident en juillet 1967 à

Mais revenons à l'accident en juillet 1967 à Indwe

J’essaie de mettre ce fait en situation :

Quelque temps avant cet accident j'avais revu ma famille, au Clos du Doubs natal, après 19 ans d'absence car, à cette époque, si les missionnaires masculins avaient des vacances régulières au pays, les femmes missionnaires, elles, n'en avaient pas. Ce n'est qu'après Vatican II qu'il fut décidé que les femmes aussi auraient droit, tous les six ans, à six semaines au pays. Pour moi, ce fut en mars et avril 1966. Ce fut revitalisant.

Si je ne me trompe d'année, c’était en début juillet 1967, une délégation de Sœurs de la Sainte-Croix en Afrique australe, cent cinquante sœurs environ, se rencontrèrent au Cap, pour une semaine de délibérations, de mise en commun, de "recyclage" dirions-nous aujourd'hui. J'étais du lot, arrivant tout droit de Indwe, après au moins une nuit et un jour de train à vapeur. Pour la première fois de ma vie de sœur, nous avions la possibilité de nous exprimer, en petits groupes, puis en plénum, sur les situations socioculturelles en Afrique australe, y compris l'actuel Zimbabwe, la Zambie, le Lesotho, la Namibie. (La politique et l'économie étaient plutôt tabous dans les conversations). Nous avons eu des conférenciers, mâles pour la plupart, chargés de traiter de sujets éducatifs, sanitaires, religieux. Un de ces conférenciers était un homme assez jeune, type quelque peu syrien, des yeux noirs, vifs, un regard intelligent et amical. La parole douce, accent typiquement sud africain qu'on reconnaît et qu’on aime tout de suite, des phrases courtes, un développement de la pensée facile à suivre. En plus de cela, j'ai détecté en cet inconnu un homme engagé, un petit « François » proche du petit peuple. Non, il n'était pas de l'Ordre des franciscains, il était un fils de saint Dominique! Nous sommes devenus amis depuis cette semaine-là. Et ça dure à travers les déserts, les mers et les années ! Aujourd’hui encore !

Pour la première fois, nous pouvions prendre le risque de nous exprimer, non plus les yeux levés vers les différentes autorités pour approbation ou correction, mais face à ces autorités, y compris quelques ecclésiastiques. Jusque là, à cause des grandes distances et des petits moyens, nous n'avions eu que de très rares rencontres et échanges entre consœurs.

Nous nous sommes donc retrouvées divisées parce que nous étions engagées dans des contextes divisés par le système d’apartheid. Pour la première fois, les voix des idéologies et tendances différentes, voire complètement opposées, se manifestaient timidement. Face à face en un lieu "blanc". Avec une langue de bois que nous pratiquions sans le savoir. On frôlait parfois la confrontation. Pour moi et pour bien des consœurs, j'en suis sûre, c'était la prise de conscience de nos divisions structurelles, l'espérance folle d'un rapprochement humain entre nous, les sœurs, et entre les gens que nous servions et nous-mêmes, un rapprochement motivé moins par le professionnalisme ou la fonction que par le désir et le besoin de relations humaines interraciales toujours inavoués puisque contraire à la loi sacra sainte du système!

 

Vatican II était passé. Mais, dans ce sud ensoleillé, nous étions heureusement loin de Rome, loin de Paris où mijotait mai '68. Je crois que cette distance avait autant d'avantages que de désavantages. Mais je ne m'étendrai ni sur l'un ni sur l'autre de ces deux éléments pourtant déterminants aussi pour nous en Afrique du Sud.

Dans nos discussions entre sœurs, que de prudence, d'hésitations, de timidité. Les Sœurs des zones blanches (donc civilisées, chrétiennes, intellectuelles) avaient un vocabulaire choisi, mieux articulé que les Sœurs des Missions périphériques dont je faisais partie. Mais nous avions peut-être plus de toupet… plus de contenu concret! Nous avions parfois la spontanéité narrative africaine qui déroute les intellectuelles empesées de bagage dogmatique!

 

J'en ai assez dit sur cette semaine à Cape Town. Elle avait fait surgir des espoirs et des énergies trop souvent refoulés ou non exprimés en communauté ni en groupe par crainte d’insécuriser et/ou de culpabiliser des collègues, des consœurs, des prêtres…

 

Je me sentais heureuse comme je ne l'avais plus été depuis longtemps car notre vie semblait percevoir enfin un sens dans un système qui n'en avait pas. L'Eglise et les institutions faisaient partie du système d’apartheid. Je suis donc revenue à Indwe avec toutes sortes de cadeaux pour mes trois consœurs avec qui j'avais grande envie de partager cet élixir de vie. Au goutte à goutte. Mais…

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